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SOUS LA MER LES MOTS
Galerie Depardieu, Nice

GALERIE DEPARDIEU

NICE

L’artiste franco-algérien Nasreddine Bennacer retourne à la Galerie Depardieu avec l’exposition « Sous la mer les mots » du 12 mars au 11 avril 2020. Le visiteur est plongé dans une ambiance sous-marine, ponctuée par des pièges invisibles : des appâts de pêche, des hameçons suspendus, un filet de pêche éclairé par un néon. Certains de ces objets se fondent avec le décor de la galerie, d’autres réclament avec insistance l’attention du spectateur et se font porteur d’une signification symbolique : ils représentent les innumérables ruses qui influencent nos choix quotidiens. Les fonds marins évoqués par Bennacer sont loin de l’esprit escapiste et idyllique qui souvent accompagne l’imaginaire naturel et, à la place, incarnent la métaphore de la face cachée de la société, celle qui est constituée par un système imperceptible de mécanismes d’oppression et conditionnement. Dans cet univers, nous ne sommes jamais à l’abri, toujours hantés par la présence d’un prédateur indistinct qui nous menace.

 

La mer constitue aussi un lieu d’espoir et a représenté la promesse d’une vie meilleure pour des milliers d’individus qui, au fil des siècles, ont traversés ses flots poussés par un désir de connaissance ou d’évasion, à la recherche de nouveaux mondes, de liberté ou de paix. Ce territoire contesté a été le berceau de conflits et de découvertes, ainsi que le témoin silencieux d’une historie immémoriale de migration et colonisation. Dans la série « Je respire sous l’eau », des messages lancés à la mer remontent à la surface comme des bulles d’air fragiles, contenant un dernier cri d’aide. Il s’agit des messages des victimes anonymes qui ont perdu leur vie à la mer, parfois conditionnés par ces mêmes pièges invisibles contenant de vaines promesses de progrès, de démocratie, de libération. Leurs mots ne sont plus que de traces floues et brouillées parmi lesquelles on discerne la déclaration des espoirs et des souhaits qui ont motivés leur traversée, ainsi que des mots de réconfort, de repentance et des demandes de pardons. Dans ces traits illisibles résonne aussi l’écho d’un avertissement contre la vanité et le caractère trompeur de cette entreprise.

 

À travers ce parcours périlleux, l’artiste nous encourage à considérer les contradictions qui sous-tendent l’économie migratoire. Les piliers du « rêve occidental », les idées de progrès, de réalisation de soi, de démocratie et liberté, sont dévêtues de leur aura charmante pour dévoiler un système qui est lui-même oppresseur et corrompu. L’invitation est celle de toujours aller au fond, de creuser la surface, pour révéler la déception qui souvent se cache derrière le brandissement superficiel d’idéaux et derrière le discours d’amélioration et de progrès qui a longtemps servi comme instrument d’oppression.

Elisabetta Garletti

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